Améliorer la santé des hospitaliers
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Découvrez comment les mutations démographiques, technologiques et sociétales transforment le rôle des soignants selon deux experts du secteur hospitalier.
Le vieillissement de la population, les nouvelles attentes sociétales, les avancées techniques, technologiques et numériques auront un impact direct sur la place et la nature des métiers du soin, tant à l’hôpital que dans le secteur sanitaire et social. Benoît Fraslin, président de la Mutuelle Nationale des Hospitaliers (MNH), et Matthieu Girier, directeur du pôle Performance des Ressources humaines à l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), nous partagent leur vision du soignant de demain.
Comment le rôle du soignant va-t-il évoluer dans les années à venir ?
Matthieu Girier : S’interroger sur l’avenir du rôle du soignant nécessite de comprendre la France de demain. La population active va se stabiliser, tandis que le nombre de personnes âgées continuera d’augmenter avec des estimations allant de 5 à 12 millions de personnes supplémentaires. Le soignant occupera une place fondamentale dans l’organisation de cette société vieillissante puisqu’il contribuera à la prise en charge de cette part croissante de personnes âgées. Il est ainsi essentiel de se demander comment recentrer son rôle sur le soin et les activités à forte valeur ajoutée, en le libérant notamment des tâches administratives.
Benoît Fraslin : Nous assistons à l’arrivée de la robotisation dans les blocs opératoires, à la généralisation de l’intelligence artificielle et au développement d’outils numériques d’une puissance incroyable. Ces innovations nécessitent des compétences spécifiques pour être maîtrisées. Le soignant de demain devra donc acquérir des savoir-faire techniques particuliers pour, à la fois, embrasser ce mouvement, et recourir à ces outils à bon escient, c’est-à-dire dans l’intérêt des patients et le leur.
À quels défis ces changements vont-ils confronter nos sociétés et les établissements hospitaliers et médico-sociaux ?
Benoît Fraslin : Cette présence accrue des technologies pose deux enjeux majeurs : celui de la relation humaine et celui de l’allocation du temps de travail. À l’hôpital, selon les services, on observe un certain ralentissement, par exemple dans les unités de soins palliatifs, mais aussi une logique productiviste, avec le développement des interventions chirurgicales en ambulatoire. Cette accélération entraîne une compression des durées d’hospitalisation, au risque de négliger le contact humain, pourtant au cœur de nos métiers du soin. Or, prendre en charge une population de plus en plus âgée et dépendante nécessite une approche globale des patients, portée par des équipes pluridisciplinaires. Cela demande également du temps, alloué à des missions d’accompagnement, et donc, là encore, des compétences particulières.
Matthieu Girier : Cette indispensable pluridisciplinarité pourra donner naissance à des métiers aujourd’hui inexistants, à l’instar des navigateurs de parcours de prise en charge des maladies chroniques qui apparaissent, par exemple, aux États-Unis. Et, face à l’évolution technologique rapide que nous connaissons, les établissements doivent mettre en place une veille systématique et accroître leur réactivité aux innovations. Néanmoins, d’autres écueils potentiels se dégagent. Le manque de volontaires pour devenir soignant pourrait s’intensifier et aiguiser la compétition entre les filières de formation, voire entre les pays. La mobilisation des collectivités — hôpitaux, État, collectivités territoriales — est également cruciale, pour réinventer des valeurs communes de manière démocratique. Et faire émerger ces nouveaux consensus prendra du temps.
Et demain, quelle sera la place de la prévention ?
Matthieu Girier : L’enjeu de faire comprendre l’importance de la prévention est quasiment culturel. Il est nécessaire d’inverser la logique actuelle qui s’appuie sur une approche curative en œuvrant pour limiter ou éviter la survenue du risque. Pour cela, tous les citoyens doivent être impliqués, de même que les soignants qui sont les mieux placés pour diffuser les messages de prévention. Chacun doit appréhender ce que représente la prévention primaire, secondaire et tertiaire, afin de mettre en place des stratégies efficaces pour soutenir la santé, prévenir les maladies, et améliorer la qualité de vie.
Benoît Fraslin : Les soignants contribuent déjà largement à la mise en œuvre de mesures préventives pour améliorer la santé des patients et assurer leur sécurité. Demain, la prévention occupera une place centrale dans leur quotidien. Ils joueront un rôle essentiel dans la promotion de comportements favorables à la santé et verront leur champ d’intervention s’élargir encore, pour prévenir la perte d’autonomie et accompagner les malades chroniques. En tant que mutuelle créée par et pour les hospitaliers, la MNH s’engagera également pour la prévention auprès des soignants afin de les aider, eux aussi, à bien vieillir.
Un sujet exploré dans la Revue Hospitalière de France
En novembre 2024, la Revue Hospitalière de France a publié un numéro spécial à l’occasion des 100 ans de la Fédération Hospitalière de France. Ce numéro portait sur le thème « Un siècle d’engagement… Et demain ? Défis, enjeux et perspectives » et a donné la parole à de nombreux experts. Benoît Fraslin et Matthieu Girier y ont signé un article intitulé « Une nouvelle génération d’hospitaliers ».
Nadège Audgond