Améliorer la santé des hospitaliers
Dossiers à la une

Rédigé sous la direction d’Alexis Bataille-Hembert, le livre « La santé des professionnels de santé en France » regroupe les prises de parole d’une centaine d’experts du sujet.
Il apporte une vision globale des défis à relever et partage les enseignements tirés de nombreuses initiatives de terrain. Benoît Fraslin, Président de la MNH, et Alexis Bataille-Hembert, infirmier et directeur de cette publication, nous exposent leurs points de vue sur cet ouvrage unique.
Quelle est l’intention à l’origine de ce livre ?
Alexis Bataille-Hembert : La rédaction de cet ouvrage s’inscrit dans la continuité de la mission ministérielle dédiée à la santé des professionnels de santé, menée en octobre 2023, et dont j’ai été co-rapporteur. Elle marque notre volonté de poursuivre la dynamique initiée par ce travail autour de la santé des soignants. Les experts qui prennent la parole sont des acteurs pionniers dans le secteur de la santé. Tous ont réfléchi à cette thématique qui dépasse largement la santé au travail et qui touche notamment à la sociologie, l’économie de la santé, ou la santé publique.
Benoît Fraslin : La publication de cet ouvrage, en partenariat avec la MNH, répond à un enjeu fort : mieux faire connaître les problématiques liées à la santé des soignants et contribuer ainsi à faire émerger le sujet dans le débat public. Ce livre représente par ailleurs une première brique de la construction d’une alliance partenariale robuste entre les parties prenantes mobilisées sur cette thématique.
Quels sont les principaux défis auxquels les soignants sont confrontés aujourd’hui, selon vous ?
Alexis Bataille-Hembert : Il faut tout d’abord rappeler que les soignants constituent une catégorie populationnelle à part entière, exposée à des risques spécifiquement liés à leur métier. Ils sont parmi les seuls à faire face en permanence à la mort, à la maladie et à la détresse humaine et sociale. Ce qui ne fait que renforcer leurs problématiques de santé. Nous devons donc nous interroger sur la manière de les accompagner pour qu’ils prennent soin d’eux avant de prendre soin des autres. Parce qu’un soignant qui va bien sera plus à même d’entrer dans la démarche intellectuelle inhérente à son métier et de se mettre en relation de soin avec ses patients.
Benoît Fraslin : Les soignants sont aujourd’hui confrontés à l’évolution rapide des prises en charge. Le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques sont notamment des points saillants en matière de santé publique et la typologie des patients a tendance à s’alourdir. L’émergence du numérique en santé vient également bouleverser les pratiques et les équipes soignantes doivent s’y adapter. Par ailleurs, les évolutions sociétales et les difficultés au sein de certains services d’accueil des urgences peuvent parfois conduire à des tensions exacerbées dans les établissements, voire à de la violence.
Quelles actions sont nécessaires pour s’adapter aux évolutions futures du secteur hospitalier et soutenir efficacement les soignants ?
Benoît Fraslin : À court terme, la mise en place de la Protection sociale complémentaire (PSC) doit permettre d’améliorer la protection sociale des hospitaliers, en tenant compte de leurs besoins particuliers. Elle représente également un levier d’attractivité pour les établissements. De plus, le renforcement de la coordination des acteurs en matière de prévention notamment en associant davantage les complémentaires santé semble essentiel. L’émergence de l’intelligence artificielle pourrait par ailleurs contribuer à mieux cibler ces actions. La MNH, à travers son partenariat avec l’Urops*, le financement du Respadd** ou le déploiement de programmes de prévention spécifiques, prend toute sa part dans ce nécessaire virage préventif.
Alexis Bataille-Hembert : L’enjeu de la santé des soignants nous concerne tous puisqu’il en va de la pérennité et de la stabilité de notre système de santé. Les carrières se prolongent et nous devons accompagner les professionnels du secteur pour que chacun puisse évoluer et poursuivre sa carrière, sans forcément changer de métier, en agissant sur l’environnement de travail notamment. Je pense à l’intégration de l’intelligence artificielle ou de la robotique par exemple. D’autre part, dans le cadre de la mission ministérielle, et au travers de ce livre, nous avons identifié six grands axes, parmi lesquels le renforcement de la formation initiale et continue constitue un pilier essentiel.
Quelle est la contribution spécifique de la MNH à la réalisation de cet ouvrage ?
Alexis Bataille-Hembert : La MNH est la mutuelle historiquement dédiée au monde hospitalier et son implication en matière de prévention est forte. C’est pourquoi son engagement dans ce projet me paraît essentiel et naturel. Et je crois que les mutuelles peuvent jouer un rôle important pour agir en amont et prendre soin de la santé des soignants.
Benoît Fraslin : La MNH a été associée à la publication de cet ouvrage dès la genèse du projet, en cohérence avec son engagement reconnu de longue date sur cette thématique. Avec sa Fondation, elle ambitionne de soutenir la recherche sur le sujet à long terme. Puis, par le biais de son site qui s'adresse aux décideurs hospitaliers, son Bureau d’Intelligence collective ou bien son Prix annuel sur la santé des hospitaliers, la MNH pourra ainsi régulièrement recenser et valoriser les initiatives menées par les établissements de santé, et favoriser la création de synergies.
* Union prévention santé pour la Fonction publique.
** Réseau de prévention des addictions.
Nadège Audegond