Améliorer la santé des hospitaliers
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La transition écologique, notamment en matière de soins écoresponsables, devient un sujet prépondérant dans les établissements de soins. Découvrez en plus.
Virginie Valentin est directrice générale adjointe des Hospices Civils de Lyon (HCL), deuxième hôpital de France avec 24 000 salariés. Dans son portefeuille de missions figure la transition écologique pour laquelle elle porte une dynamique institutionnelle résolue, notamment en matière de soins écoresponsables.
Quels ont été vos constats à votre arrivée ? Comment avez-vous initié la démarche ?
Virginie Valentin : Le CHU était engagé depuis plus de dix ans dans les sujets d’éco-responsabilité centrés sur les fonctions supports et les infrastructures : l’énergie, l’eau, les achats durables, la mobilité, la gestion des déchets…, mais pas sur l’écoconception des soins. D’autre part, les projets étaient menés sans articulation avec les professionnels de santé. Avec la vice-présidente de la Commission médicale d’établissement (CME), nous avons donc présenté un projet en ce sens au directeur général et au président de la CME. Nous l’avons fait valider l’an dernier par le conseil de surveillance dans le cadre d’engagement stratégique des HCL dans la transition écologique. J’en coordonne la mise en œuvre avec l’appui d’une chargée de mission transversale qui m’est directement rattachée. Je suis persuadée que le discours et la culture institutionnels portant cet engagement sont déterminants.
Quelle méthodologie utilisez-vous ?
V. V. : Nous avons fixé un cap exprimé dans le cadre de l’engagement stratégique RSE des HCL, décliné dans des plans d’action construits avec des indicateurs de mesure. Avec l’objectif de rendre régulièrement compte de l’avancée de nos projets. Mobiliser et annoncer des transformations ne serait pas pertinent si nous n’étions pas capables de le démontrer à notre communauté et à nos parties prenantes extérieures. La transition écologique est une autre manière de concevoir le fonctionnement d’un établissement de santé, ce qui suppose d’embarquer toute la communauté des professionnels. Et pour cela, il faut faire émerger et accompagner des initiatives de terrain. Celles-ci sont autant de leviers pour que demain nos 24 000 salariés soient ambassadeurs de la transition écologique des HCL et portent une organisation des soins et des activités hospitalières plus respectueuse de l’environnement et du vivant.
Comment construisez-vous une logique coopérative avec les acteurs du territoire ?
V. V. : Avec la Métropole de Lyon, nous avons signé un accord cadre de partenariat en 2022. Celui-ci traduit un axe fort de la transition écologique intégrant la mobilité, nos projets énergétiques ainsi que le développement du recours à l’économie circulaire (circuits courts, logiques de réemploi et de réutilisation, recyclage). Nous sommes également engagés au côté de la Ville de Lyon dans un programme européen des villes climatiquement neutres à horizon 2030.
Avec l’université, nous avons travaillé avec les doyens de santé pour que les supports de formation et de sensibilisation à la transition écologique pour les étudiants en santé soient mis à disposition de nos professionnels. Ces supports sont déposés dans notre plateforme de formation en e-learning.
Par ailleurs, nous sommes le premier hôpital de France à s’être inscrit dans la démarche de convention des entreprises pour le climat. Nous avons pour cela suivi le parcours décliné sur le bassin lyonnais et travaillons désormais plus en lien avec les entreprises pour mieux adapter nos achats aux engagements de transition écologique qu’elles portent. Cela nous permet d’avoir un effet vertueux d’écoresponsabilité partagé avec d’autres acteurs sur le territoire, dans le respect bien sûr des règles de la commande publique. À cet égard, nous sommes souvent appelés à la table des négociations en tant qu’acheteur public par la Métropole de Lyon qui a une compétence économique de département. Nous suivons également la réflexion d’Impact France pour adapter nos propres stratégies vers des logiques d’achats durables.
Quelles actions avez-vous déjà menées en écoconception des soins ?
V. V. : L’un de nos chirurgiens cardiaques, très intéressé par la démarche green bloc, a initié cette démarche vertueuse sur son site et son secteur de bloc opératoire. Cette approche est aujourd’hui étendue à tous les sites et blocs opératoires et interventionnels des HCL. Plus de 150 professionnels sont désormais investis. Pour cela, nous avons soutenu les actions mises en place : mobilisation des achats de sets opératoires, création des filières de prix avec la logistique, sensibilisation et formation des professionnels, communication dans les blocs… Avec cette première expérience réussie, nous avons encouragé toutes les équipes qui le souhaitent à porter de mêmes engagements au plus près de leurs pratiques.
Comment impulsez-vous la dynamique de projets ?
V. V. : Depuis 2021, nous avons lancé auprès des professionnels de santé un appel à projets annuel en transition écologique de 250 000 euros. Les dossiers sont instruits par le Copil transition écologique et RSE des HCL. Ainsi, 20 à 30 projets par an sont financés par cette enveloppe. En 2023, l’appel à projets a concerné l’écoconception des soins et le même thème est retenu cette année. En parallèle, la vice-présidente de la commission médicale coordonne un groupe de travail sur l’écoconception des soins. De nombreuses actions en ont émergé en biologie, pharmacie, dialyse, anesthésie, soins critiques… Nous communiquons ensuite sur les bonnes pratiques pour inspirer d’autres services.
Nous avons aussi noué un partenariat avec une école d’ingénieurs lyonnaise pour accompagner de manière méthodologique et scientifique des mesures d’impact carbone sur des pratiques soignantes. Les équipes sont appelées à rédiger des articles de recherche au titre de notre statut d’hôpital universitaire, destinés à être publiés publier dans des revues de spécialités ou des congrès.
Enfin, nous impliquons des patients dans notre démarche. Des représentants des patients participent à nos instances et notre objectif est que des projets d’écoconception des soins soient co-portés par des équipes soignantes et des patients.
Propos recueillis par Suzanne Nemo
Pour aller plus loin :
> La feuille de route nationale des soins écoresponsables
> Toutes les ressources de l’Anap pour accompagner les établissements dans leur transition écologique