Améliorer la santé des hospitaliers
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Parce qu’elles contribuent à mieux identifier les risques auxquels s’exposent les professionnels de santé, où qu’ils exercent, les matrices emplois-expositions présentent un intérêt collectif pour les décideurs hospitaliers.
Spécialiste du sujet, le professeur de santé au travail Alexis Descatha revient sur leur principe, leurs apports, mais également les précautions qu’impose leur utilisation.
« Le principe d’une matrice emplois-expositions, c’est de relier des expositions moyennes à une catégorisation d’emploi », tente de simplifier Alexis Descatha, qui collabore à la fois à l’université et au CHU d’Angers, ainsi qu’à l’IRSET (Institut de recherche en santé, environnement et travail), qui dépend notamment de l’Inserm. « Il s’agit d’une table de correspondance, qui s’apparente en fait à un très gros tableur avec, d’un côté, les emplois, et de l’autre, les nuisances auxquelles s’exposent ceux qui les exercent », complète-t-il.
Un outil d’aide à la décision
Ces matrices, qui sont initialement un outil de recherche, sont apparues dans les années 1980. « Il s’agissait alors d’essayer d’évaluer les expositions chimiques de manière rétrospective, et notamment les relations entre certaines expositions et les cancers, relate le chercheur. Il y a une vingtaine d’années, on s’est rendu compte qu’il y avait également plein d’endroits ou de situations dans lesquels une évaluation moyenne par catégorie d’emploi pouvait avoir un intérêt en matière de recherche. »
Plus récemment encore, ces outils sont sortis du seul champ de la recherche en épidémiologie pour être utilisés à des fins de santé publique et de santé au travail. « Une matrice emplois-expositions peut, entre autres choses, constituer un outil d’aide à la décision collégiale pour reconnaître certaines maladies professionnelles ou identifier des travaux pénibles. On voit aussi arriver des cliniciens qui s’intéressent à certaines expositions professionnelles en particulier, avant d’orienter un patient vers son médecin du travail le cas échéant. »
Des données utiles à une meilleure prévention
C’est là que le projet SOIGNANCES prend sa place. Cette matrice emplois-expositions issue de la cohorte CONSTANCES* porte, en effet, spécifiquement sur 12 000 professionnels de santé et leur exposome, c’est-à-dire l’ensemble des expositions qu’ils rencontrent dans le cadre de leur travail. « Cela nous a permis de catégoriser leur emploi, en prenant en considération aussi bien leur métier que leur secteur d’activité, raconte Alexis Descatha. Car nous savons très bien que le métier d’un médecin est différent dans le privé et le public, ou qu’être aide-soignant en hôpital ou en institution n’est pas la même chose. »
Les chercheurs font ensuite correspondre ces emplois à différentes variables : organisation du travail, exposition physique (au bruit ou aux contraintes ergonomiques avec le port de charges, par exemple), contact avec le risque biologique ou chimique (le formaldéhyde, notamment), mais aussi psychosocial. « Ces données peuvent intéresser des décideurs, chaque établissement devant produire un document unique d’évaluation des risques professionnels, le DUERP, précise-t-il. Grâce aux matrices, ils peuvent identifier les pistes de prévention collective à creuser pour améliorer les conditions de travail, et avec elles l’attractivité. »
Alexis Descatha alerte toutefois : « Cet outil ne doit être employé qu’avec l’aide d’experts en risques professionnels, ou de médecins spécialistes de la santé au travail. Il donne un ordre d’idées, car il reste général. Il offre une vue d’ensemble pour des actions non individuelles, pour se comparer aux autres et savoir sur quels aspects progresser… Toujours avec une prise en compte du contexte et du type de travail. »
Autant de données à mettre en perspective, donc, mais qui ont vocation à être prochainement rendues publiques, notamment grâce au soutien financier de la Fondation MNH et de la Drees.
- Pour en savoir plus : https://fondation-mnh.fr/projet/soignances-expositions-professionnelles-sante-soignants/
*CONSTANCES https://www.constances.fr/
Marie Houssiaux