Améliorer la santé des hospitaliers
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Rudy Chouvel analyse l’essor des démarches écoresponsables à l’hôpital, leurs cadres réglementaires, leurs acteurs et les initiatives concrètes déjà déployées dans les établissements.
Rudy Chouvel est expert développement durable à l’Anap (Agence nationale de la performance des établissements de santé et médico-sociaux). Il livre son analyse sur l’engagement des établissements hospitaliers et médico-sociaux vers plus d’écoresponsabilité.
Depuis quand les hôpitaux français sont-ils engagés dans des démarches écoresponsables ? Et y sont-ils contraints par des obligations légales et réglementaires ?
Rudy Chouvel : Il y a une quinzaine d’années, on trouvait déjà des établissements pionniers en la matière, comme Bordeaux ou Niort. L’Anap aussi travaille sur ces enjeux depuis une dizaine d’années. Mais j’identifie le premier grand tournant à 2020-2021, à la faveur de deux choses : la pandémie, qui a souligné l’urgence de rendre les établissements plus résilients, et le rapport du think tank The Shift Project « Décarboner la santé ». Celui-ci pose une première estimation de l’impact du secteur de la santé sur l’environnement : 8 % du total des émissions nationales de gaz à effet de serre.
Puis en 2023 est parue une feuille de route nationale consacrée à la planification écologique du système de santé, qui constitue un outil de politique publique et fixe un cap. L’Anap est d’ailleurs en charge, aux côtés de la Direction générale de l’offre de soins, de suivre sa mise en œuvre. Entre temps, le volontarisme des fédérations hospitalières et de nombreux acteurs du secteur, y compris certaines sociétés savantes, a contribué à accélérer l’engagement collectif.
Il y a en parallèle un cadre légal dense : la loi ELAN pour les consommations d’énergie, la loi Égalim pour la restauration, la loi AGEC (anti-gaspillage pour une économie circulaire) pour le plastique, la loi « Climat et Résilience » pour les ombrières photovoltaïques… Sans oublier la loi Rist, qui impose que tout projet d’établissement comprenne un volet écoresponsable. La loi industrie verte a, quant à elle, étendu l’obligation de rédiger un Spaser (schéma de promotion des achats socialement et écologiquement responsables) aux acheteurs soumis au code de la commande publique dont le volume d’achat dépasse les 50 millions d'euros annuels.
Je reviens sur la loi AGEC qui, depuis le 1er janvier, interdit les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en plastique dans les services de maternité et de pédiatrie. C’est l’une des rares obligations qui relève aussi de la santé environnementale, le plastique laissant notamment passer dans la nourriture des perturbateurs endocriniens.
Par qui sont portés ces changements au sein des établissements ? Avez-vous en tête des exemples d’initiatives emblématiques de cette transition écologique des hôpitaux ?
Rudy Chouvel : La direction des achats et tous les services qui achètent ont naturellement un rôle primordial. Mais les services eux-mêmes peuvent repenser la façon dont ils prodiguent leurs soins. En la matière, le CHU de Brest a pris des dispositions très intéressantes, notamment en imagerie, avec la récupération des produits de contraste injectés et la filtration des urines. C’est ce qu’on appelle l’éco-conception des soins, rendus moins impactants pour l’environnement à qualité et à sécurité égales.
Pour les établissements, il est important de structurer sa démarche, par exemple en rédigeant un Spaser et un projet d’établissement avec des objectifs clairs et des indicateurs, ou encore en organisant des groupes de travail thématiques.
Les exemples à suivre sont nombreux et concernent tous les domaines. Sur la mobilité, par exemple, le CHI de Créteil et Villeneuve-Saint-Georges et le CHU de Montpellier ont été labellisés « Employeur Pro-Vélo ». Le CHU de Toulouse a, quant à lui, réduit et verdi considérablement son parc de véhicules. En matière de restauration, le CHU de Limoges a fait le choix de passer à la porcelaine et celui de Strasbourg de revoir à la baisse la proportion de protéines animales. À Moulins, le plan de lutte contre le gaspillage alimentaire s’est révélé très efficace. Par ailleurs, Brest porte aujourd’hui deux postes de conseillers en transition énergétique et écologique en santé (CTEES) œuvrant au quotidien au profit de l’ensemble de leur GHT.
Enfin, le rôle des dirigeants hospitaliers est également déterminant. À la demande des ministères de la Santé et de la Fonction publique, l’Anap a formé ceux des 131 GHT pour leur permettre d'engager un plan de développement durable global et partagé.
De telles mesures écologiques peuvent-elles également avoir un intérêt économique ?
Rudy Chouvel : Si certaines dispositions sont coûteuses, beaucoup se traduisent effectivement par des économies, comme le fait d’acheter d’occasion et d’appliquer à l’hôpital les principes de l’économie circulaire. Le relamping (qui consiste à remplacer les néons par des LED) se traduit lui aussi par un retour sur investissement rapide. Autre exemple : la mise en veille des blocs opératoires. Le CH de Roubaix a ainsi appliqué ce principe à 10 de ses 14 salles, avec des économies substantielles à la clé. Au-delà de ces impacts, ces sujets peuvent mobiliser et rendre un hôpital attractif pour les professionnels. En outre, c’est potentiellement un outil de dialogue avec des partenaires, que ce soient les agences régionales de santé, les collectivités territoriales ou des associations. Cela oblige aussi à remettre en question ses pratiques, ce qui est toujours sain !
Je rappelle d’ailleurs que l’Anap accompagne les établissements désireux d’avancer sur ces sujets. Outil d’autodiagnostic, fiches pratiques, plateforme de bonnes pratiques… Son site regorge de ressources pour les y aider. Le message à retenir, en tout cas, est que la transition écologique dans un établissement comporte énormément de vertus.
> Retrouvez en détail les actions menées par le CHU de Brest
Propos recueillis par Marie Houssiaux