Améliorer la santé des hospitaliers
Focus prévention
Toujours mobilisée pour la santé des professionnels, la MNH accompagne les soignants face au burn-out en soutenant la prévention, le repérage précoce et l’accès à des dispositifs dédiés.
55 % des professionnels de santé déclarent avoir déjà connu au moins un épisode de burn-out. Ils sont même 61 % parmi les infirmiers et aides-soignants1. C’est deux fois plus que dans la population générale. Comment expliquer un tel épuisement ? Comment mieux le prendre en charge et le prévenir ? Décryptage avec deux experts.
Le Dr. Magali Briane, psychiatre et vice-présidente de l’association SPS – l’Institut pour la santé des soignants, a coordonné l’ouvrage « Le burn-out des professionnels de santé – Principes d’intervention thérapeutique », paru en avril 2025.
Nicolas Delmas, chef de projet attractivité à la Direction générale de l’Offre de soins (DGOS), est chargé de mettre en œuvre le plan national pour la santé des professionnels de santé .
Le burn-out des soignants, dont on a beaucoup parlé pendant la crise sanitaire, est-il toujours aussi prégnant ?
Dr. Magali Briane : Oui. Le problème n’est pas nouveau. Avant 2020, les études montraient déjà que 50 à 60 % des professionnels de santé présentaient des symptômes de burn-out. Selon le dernier baromètre de l’Observatoire MNH-Odoxa sur la santé mentale des professionnels de santé, publié en mai 2025 – donc bien à distance de la crise sanitaire –, plus de la moitié des soignants déclarent encore souffrir d’anxiété, de stress ou de surcharge mentale en raison de leur travail. 39 % d’entre eux a déjà dû s’arrêter pour motif psychologique.
Comment expliquer un tel épuisement ?
Dr. Magali Briane : Les raisons sont multiples. Tout d’abord, les professionnels de santé sont exposés à une forte charge émotionnelle. Ils sont en contact continu avec des patients en souffrance, avec la maladie et la mort. L’organisation du travail en horaires décalés est également, entre autres, un facteur de vulnérabilité, rendant plus complexe la vie familiale et sociale. Les professionnels de santé se plaignent également d’une certaine « perte de sens », qu’ils rattachent à la transformation du travail, où les tâches administratives prennent de plus en plus de place.
Nicolas Delmas : Les soignants voient tellement de détresse au quotidien qu’ils finissent par sous-estimer la gravité de leurs propres symptômes. Surtout, ils craignent la stigmatisation. Ils n’osent pas se faire soigner près de leur lieu d’exercice, de peur de rencontrer des collègues ou des patients.
Comment mieux repérer et prendre en charge le burn-out des soignants ?
Dr. Magali Briane : Les unités d’hospitalisation dédiées à l’accueil des soignants ont été créées en 2017 pour répondre au besoin qu’ils expriment de se faire prendre en charge à distance de leur lieu d’exercice. Heureusement, le sujet ayant été déstigmatisé par la crise sanitaire, ils consultent plus précocement aujourd’hui, ce qui permet d’éviter des hospitalisations complètes. Ils peuvent être pris en charge dans des hôpitaux de jour comme celui que je dirige (la clinique Mon Repos, près de Lyon), spécialisés dans le traitement de ce type de patients. Le fait que ce soit des services dédiés, où ils se retrouvent entre professionnels de santé, est important. En effet, nombreux sont ceux à qui on a appris, durant leurs études, à ne pas montrer leurs émotions face à leurs patients. Dans ces conditions, le burn-out peut être vécu comme un échec. Cela les aide de voir qu’ils ne sont pas seuls.
Nicolas Delmas : Dans le cadre du plan sur la santé des professionnels de santé lancé par la DGOS, nous allons mettre en œuvre chaque année, à partir de 2026, une dizaine d’actions sur la santé des soignants, dont certaines concerneront la santé mentale et la prévention du burn-out. Cela passe notamment par la libération de la parole. Il faut lever le tabou autour de la santé mentale, y compris dans le milieu médical.
Connaître ses limites, ça s’apprend
Aujourd’hui, trop de soignants quittent leur métier, alors qu’ils l’aiment, parce qu’ils sont usés. C’est pour éviter cela que la MNH s’apprête à lancer un nouveau module de prévention du burn-out sur sa plateforme « Les clés de ma santé ». Créée en juillet 2025, celle-ci donne des conseils pratiques aux professionnels de santé pour prendre soin de leur santé, y compris mentale. « Nous avions déjà mené des campagnes de sensibilisation, pour lever le tabou. Il nous faut aujourd’hui accompagner les soignants, leur apprendre à identifier, comprendre et écouter leurs émotions », explique Rafael Andreotti, directeur Prévention à la MNH.
Pour que le module soit pertinent, la MNH a fait appel à l’expertise du Dr. Magali Briane. Résultat : une formation en ligne de 3 h qui ressemble plus à une websérie qu’à un cours. Des vidéos mettent en scène une infirmière et une aide-soignante, et des contenus complémentaires (témoignages, éclairages, etc.) aident à y repérer les signes qui doivent alerter. Des conseils sont aussi donnés pour se prémunir de l’épuisement professionnel.
1. Rapport sur la santé des professionnels de santé, 2023.
Propos recueillis par Émilie Tran Phong