Améliorer la santé des hospitaliers
Focus prévention
Au Centre hospitalier universitaire d’Angers, la promotion de la santé constitue un engagement majeur de la direction de l’établissement auprès des professionnels hospitaliers. Une démarche qui s’inscrit dans une dynamique au long cours, avec une attention particulière portée à l’adéquation entre leurs attentes et l’offre déployée.
Après la création d’une direction en charge de la Prévention et de la Santé publique en 2021, le CHU d’Angers lance son programme HAVISAINES en 2022. Celui-ci résulte alors d’une enquête menée auprès de ses agents afin de poser un diagnostic initial. « Elle visait à mesurer leur intérêt pour des actions de promotion de la santé qui leur seraient destinées et connaître leurs habitudes de vie concernant les quatre principaux déterminants de santé et facteurs d’influence des maladies non transmissibles : l’activité physique, l’alimentation, le tabac et l’alcool », explique Céline Schnebelen, directrice adjointe chargée de la prévention, de la santé publique, des relations ville/hôpital et référente du pôle Femme Mère Enfant au CHU d’Angers. Au printemps dernier, dans la continuité du programme HAVISAINES, la direction a souhaité poursuivre cette dynamique d’enquête et a interrogé les hospitaliers sur l’opportunité de créer un centre de santé qui leur serait dédié. L’objectif : dépasser la promotion de la santé et déployer une offre de soins à leur intention.
Prévenir et soigner
« Nous avons souhaité recueillir les avis des agents du CHU pour valider ou non l’initiative. Cela signifie qu’au préalable, nous étions prêts à soutenir la conception d’un tel centre si l’idée recevait un écho favorable », précise Céline Schnebelen. Les résultats de l’enquête laissent peu de place au doute : 74% des 1085 répondants se déclarent intéressés ou extrêmement intéressés par le déploiement d’un centre qui leur donnerait un accès réservé à des consultations spécifiques. Parmi les soins les plus attendus, les bilans de santé globaux, le dépistage des cancers et le soutien psychologique figurent aux trois premiers rangs. Le projet sera affiné et précisé durant les prochains mois au sein de la direction du CHU, le temps d’identifier les locaux pouvant accueillir le projet et les éventuels partenariats à nouer.
Soutenir le système de santé
Cette démarche fait suite au rapport sur la santé des soignants remis en octobre 2023 à Agnès Firmin Le Bodo, alors ministre déléguée chargée de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, et co-signé par Alexis Bataille-Hembert, infirmier, Marine Crest-Guilluy, médecin généraliste, et Philippe Denormandie, chirurgien neuro-orthopédiste. « Ce rapport pose un constat simple et évident : un professionnel de santé qui va bien, c’est un professionnel de santé qui soigne bien. Et c’est en étant impliqués dans leur propre santé que les professionnels de santé seront les meilleurs ambassadeurs de la prévention pour leurs patients. Au sein du CHU d’Angers, nous voulons contribuer à cet objectif, aussi bien auprès des patients que des professionnels de santé. Parce que développer la prévention, c’est la seule manière de maintenir la soutenabilité de notre système de santé à long terme », conclut Céline Schnebelen.
Un intérêt marqué pour la création d’un centre de santé
L’enquête du CHU d’Angers valide l’intérêt des professionnels de santé pour la création d’un centre de santé, toutes professions confondues, et quel que soit leur état de santé perçu. « Nous avons été surpris par le niveau de recours aux soins des professionnels de santé. Nous observons qu’ils prennent globalement leur santé en charge, même si près de la moitié d’entre eux (52%) déclarent avoir des difficultés à consulter certains spécialistes, principalement par manque de professionnels sur le territoire (77%) », détaille Céline Schnebelen. Autre point soulevé par l’enquête : le frein éventuel de la confidentialité. « Mais ce n’est finalement pas la première des préoccupations mentionnées. La crainte d’une inadéquation de l’offre (52%) ou des horaires (38%) est plutôt pointée », ajoute-t-elle. Enfin, concernant l’emplacement du centre de santé, les professionnels plébiscitent une implantation dans le CHU (68%) ou à proximité (49%), pour faciliter l’accès aux soins depuis leur lieu d’exercice professionnel.
Faciliter l’accès à la santé pour les soignants
Le questionnaire déployé auprès des professionnels de santé du CHU d’Angers a été co-construit avec la Mutuelle nationale des hospitaliers (MNH). Cette coopération trouve son fondement dans les valeurs communes entre le CHU d’Angers et la MNH. Regards croisés entre Jean-Bernard Castet, directeur général adjoint Affaires publiques et Santé de la MNH, et Céline Schnebelen.
Pour quelles raisons avez-vous travaillé ensemble sur le questionnaire concernant le centre de santé dédié aux professionnels de santé ?
Céline Schnebelen : Au sein du CHU d’Angers, nous avons pleinement conscience de la priorité à donner à l’état de santé des soignants, pour la qualité des soins prodigués dans nos murs, mais aussi pour répondre à des enjeux d’attractivité et de fidélisation. Ce sont des thématiques sur lesquelles la MNH s’engage déjà concrètement, et nous partageons les mêmes valeurs.
Jean-Bernard Castet : Prendre soin des professionnels de la santé et du social est inscrit dans nos gènes puisque nous sommes la mutuelle historiquement fondée par et pour les hospitaliers. Le CHU d’Angers est l’un des établissements leaders en matière de prévention, notamment au travers du programme HAVISAINES. Notre coopération permet à la MNH d’ancrer encore plus dans la réalité du terrain son action sur le volet préventif, et de mettre en cohérence les données dont nous disposons au niveau national, via notre baromètre annuel Odoxa réalisé en partenariat avec la Chaire Santé de Sciences Po et le Figaro santé, avec les besoins des professionnels de santé du CHU.
Quelle vision de la prévention défendez-vous ?
Jean-Bernard Castet : À la MNH, nous avons créé une direction de la prévention en septembre 2023. Cette équipe s'appuie sur les recommandations d'un conseil scientifique composé de six experts de la prévention, dont Pauline Martinot qui est médecin de santé publique et qui a été l’ancienne conseillère du ministre de la Santé et de la Prévention, notamment en charge des sujets de prévention, santé publique, santé mentale. Ce conseil a pour objectif de prioriser nos domaines d’intervention auprès des professionnels de santé à partir des données épidémiologiques, et de trouver des leviers adaptés à ces publics pour être le plus impactants possible.
Céline Schnebelen : Nous souhaitons nous engager sur les conclusions du rapport sur la santé de 2023 en proposant des actions concrètes pour la santé des professionnels de santé. Mais la prévention concerne tout le monde : nous recevons 200 000 patients chaque année et nous devons aussi leur parler de ces sujets, au-delà de leur seul motif de consultation ou d’hospitalisation. L’idée est de s’inspirer de la démarche MECC (Making Every Contact Count[1]) mise en place il y a plus de dix ans par la NHS au Royaume-Uni, qui repose sur trois principes : le repérage systématique de certains facteurs de risques, l’intervention brève, voire les entretiens motivationnels pouvant influer sur les comportements, l’orientation des personnes vers un parcours de soins ou de santé adapté.
Comment va se poursuivre cette coopération entre le CHU d’Angers et la MNH ?
Jean-Bernard Castet : Tout est en cours de construction, et nous allons définir avec le CHU d'Angers ce que ce lieu dédié aux professionnels de santé pourrait leur apporter, sur la base des données dont nous disposons, au sein de la MNH et du CHU. Après analyse des besoins du CHU, nous pourrons nous mettre en ordre de marche pour bâtir une offre de prévention adaptée.
Céline Schnebelen : Nous allons étayer ensemble l’orientation à donner à ce centre de santé dédié aux soignants. Et nous devons trouver un modèle économique pour financer ce projet.
Au CHU d’Angers, impliquer les professionnels dans les actions de prévention
« Le premier questionnaire que nous avons adressé aux soignants en mai 2022 pour le lancement de notre programme HAVISAINES a reçu près de 1 500 réponses, soit 20% des agents. Cela nous a permis d’identifier des priorités et de proposer des aménagements spécifiques et pérennes, et surtout en phase avec leurs attentes. Ils visent un objectif commun : influer sur les comportements des agents hospitaliers et les aider à adopter ceux qui sont favorables à leur santé, en modifiant l’environnement du CHU. Par exemple, début mai, des équipements sportifs ont ainsi été installés sur le campus, accessibles à tous les professionnels. Nous travaillons aussi en partenariat avec le Centre régional de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) des Pays de Loire pour mettre à disposition des soignants des autotests de dépistage du cancer colorectal à l’occasion de Mars Bleu. Pour Movember, qui vise à favoriser le dépistage des cancers masculins, nous avons ouvert des consultations réservées à nos agents. L’idée à chaque fois est de simplifier l’accès des hospitaliers à un comportement favorable à la santé ou à une offre spécifique. »
Céline Schnebelen
Avec la MNH, prendre en charge la santé des soignants de façon spécifique
« Nous connaissons les professionnels de la santé et du social et leurs besoins, notamment au travers des travaux de recherche menés par la Fondation MNH. Et depuis dix ans, nous réalisons aussi deux fois par an un baromètre qui nous permet de les questionner sur leur état de santé. Nous savons ainsi qu’ils ont des difficultés à maintenir l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Par exemple, 12% des professionnels interrogés s’en déclarent satisfaits, alors que la moyenne des Français se situe autour de 35%. Et 30% des soignants estiment être concernés par des difficultés d’accès financier à l’offre de soins. Après la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid, de plus en plus d’établissements ont pris conscience de l’importance de la prévention comme levier d’amélioration de l’état de santé des hospitaliers, mais aussi pour répondre aux enjeux de fidélisation et d’attractivité dans un contexte marqué par la pénurie de professionnels. C’est pour répondre à ces besoins essentiels pour tous que la MNH renforce ses actions afin de proposer des parcours de prévention sur mesure et qui répondent aux besoins singuliers des professionnels de la santé et du social. »
Jean-Bernard Castet
(1) Making every contact count : faire que chaque contact compte.