Améliorer la santé des hospitaliers
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Émeline Flinois est directrice générale adjointe de l’Agence nationale d’appui à la performance (Anap), en charge de plusieurs pôles d’expertise : RH, immobilier, développement durable et logistique. Jean-Bernard Castet est directeur général adjoint Affaires publiques Santé du groupe MNH. Les deux entités déploient des outils complémentaires avec le même objectif : accompagner de façon concrète les établissements dans leur politique d’attractivité et de fidélisation.
Pourquoi la double thématique de l’attractivité et de la fidélisation est devenue une préoccupation généralisée ?
Émeline Flinois : Je suis directrice d’hôpital et ai toujours connu le sujet de l’attractivité. Ce qui est nouveau est le caractère systémique post-Covid de la baisse d’attractivité : tous les métiers sont concernés, tous les territoires, métropolitains et ultramarins, également. À cela s’ajoute le sujet de la fidélisation, évoqué jusque-là ponctuellement. La crise a accru la pénibilité liée au manque de moyens des métiers soignants, a rendu moins supportables des sujétions de service jusque-là acceptées par les personnels hospitaliers, a exaspéré un sentiment de manque de reconnaissance du travail accompli.
Jean-Bernard Castet : Je partage ce constat, ces sujets d’attractivité et de fidélisation sont au cœur des préoccupations de nombreux établissements. Si le Ségur de la santé a été une réponse significative de l’État en permettant l’augmentation des rémunérations et du nombre de places offertes au sein des organismes de formation médicaux et paramédicaux, il est intervenu de façon trop tardive et a généré parfois, paradoxalement, une satisfaction limitée des équipes. Il est donc aujourd’hui plus que jamais nécessaire d’aider les établissements à travailler sur ces sujets.
Comment vous êtes-vous engagés sur ces sujets ?
Émeline Flinois : Pour simplifier le travail des collègues RH, directeurs de soins, directeurs des affaires médicales, responsables d’établissement, nous avons eu l’idée de créer une plateforme en ligne Attractivité et Fidélisation pour centraliser des outils, des méthodologies, des bonnes pratiques inspirantes sur différents axes : marque employeur, recrutement et intégration des nouveaux collaborateurs, le développement de carrière et l’amélioration des conditions de travail, mais aussi le départ des agents.
Jean-Bernard Castet : Je dirais d’abord qu’Émeline Flinois et moi avons le même profil de directeur d’hôpital, nous connaissons bien le terrain et les préoccupations des décideurs. À la suite de la crise, les établissements se sont beaucoup investis en faveur de la QVT et du bien-être de leurs salariés, souvent en partenariat avec la MNH. Cependant, l’état de santé des soignants est un champ qui n’a pas été suffisamment investigué. Nous avons donc imaginé, dès la période des études, un programme pour les étudiants en Institut de formation en soins infirmiers, dont l’objectif est de leur permettre de trouver les ressources pour faire face à un exercice atypique en milieu hospitalier. Des séances avec des psychologues seront organisées au cours desquelles les étudiants analysent leur vécu lors des premiers stages, souvent en décalage avec ce qu’ils avaient imaginé du métier. Nous allons expérimenter ce programme en Normandie et en Ile-de-France, il sera évalué en lien avec le Conseil scientifique de la Direction de la Prévention pour notamment mesurer ses effets sur le recrutement.
L’idée de la plateforme est d’évaluer sa propre politique d’attractivité et de fidélisation ?
Émeline Flinois : Effectivement, un autodiagnostic est disponible pour que chaque établissement mesure son positionnement. Une webconférence est accessible pour s’inspirer des pratiques d’autres entreprises publiques et privées. La plateforme ouverte depuis moins d’un an rencontre un joli succès avec 12 000 connexions. Nous y ajoutons régulièrement de nouveaux contenus. Par exemple : comment améliorer sa communication RH pour attirer et fidéliser ? En nommant et formant des ambassadeurs. Ou encore comment rédiger une offre d’emploi et la diffuser pour qu’elle se différencie des autres ? Nous allons également développer un axe sur des réalisations opérationnelles : comment organiser la semaine de quatre jours pour les agents administratifs et techniques ? Comment changer sa culture institutionnelle pour tendre vers l’hôpital magnétique ? Comment faire le lien entre attractivité et leadership médical ?
Concernant l’axe de la fidélisation, la MNH a développé plusieurs propositions…
Jean-Bernard Castet : Concernant le volet développement des compétences, je citerais Phosphoria, l’organisme du groupe MNH qui forme environ chaque année 4 000 professionnels de santé issus des établissements sanitaires et médico-sociaux. Mais aussi, l’axe du soutien à la parentalité. Nous accompagnons depuis de nombreuses années des établissements dans la création de places de crèches adaptées aux horaires atypiques. Pour s’emparer plus avant du sujet, et le porter dans le débat public, l’Observatoire MNH a publié en avril 2024 une nouvelle enquête, réalisée par Odoxa sur la parentalité des professionnels de santé. Elle montre que les soignants sont plus en difficulté que le reste de la population pour concilier vie professionnelle et personnelle. Nous souhaitons accompagner les décideurs dans la mise en place d’actions pour que l’arrivée d’un premier enfant ne soit pas synonyme de départ de l’hôpital. En effet, 59% des soignants ont pris un congé parental et/ou ont repris leur activité à temps partiel.
Propos recueillis par Suzanne Nemo
* Co-financé par l’ARS Ile-de-France.