Améliorer la santé des hospitaliers
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Découvrez notre table ronde « Être soignant et parent de jeunes enfants – un enjeu de fidélisation pour l’hôpital », menée par la MNH lors du dernier salon SantExpo.
Est-ce différent d’être parent quand on travaille à l’hôpital et quels sont les besoins spécifiques des hospitaliers en matière de parentalité ? Comment l’hôpital peut accompagner ses soignants dans leur parentalité ? Tels étaient les sujets abordés au cours d’une table ronde « Être soignant et parent de jeunes enfants : un enjeu de fidélisation pour l’hôpital » proposée par la MNH lors du dernier salon SantExpo.
En tant que mutuelle créée par et pour les hospitaliers, la MNH est au premier rang pour améliorer la santé des soignants. Et il y a urgence à agir à la vue de l’état des lieux dressé dans le rapport sur la santé des professionnels de santé d’octobre 2023, qui met en lumière l’état de santé dégradé de nos soignants, notamment sur le plan psychologique. Avec un public très majoritairement féminin et des contraintes horaires fortes, la parentalité apparaît comme un enjeu plus impactant chez les hospitaliers que chez la majorité des Français.
« Traiter de la parentalité des hospitaliers, c’est à la fois un enjeu de fidélisation et d’attractivité des métiers pour les établissements de santé employeurs mais également une approche humaine au cœur des difficultés que rencontrent les parents ou futurs parents hospitaliers », rappelle Gauthier Martinez, directeur du Bureau d’Intelligence Collective qui a récemment travaillé sur la thématique de l’accompagnement de la grossesse des hospitalières.
Des freins spécifiques à la parentalité
Un premier constat : 54% des professionnels de santé ayant un projet parental ont déjà songé à changer de métier ou à quitter leur emploi actuel en raison de ce projet ;Les causes sont certes multifactorielles, mais la question financière reste le principal frein rencontré (pour 58% des soignants, contre 54% des Français).
Pour la moitié des hospitaliers, l’arrivée du dernier enfant a été source de difficultés financières, notamment en raison de différences de rémunération au sein du couple. Et la charge familiale est assumée par le parent le moins bien rémunéré… majoritairement la femme. Face à ce défi financier, un congé parental ou une activité à temps partiel apparaît comme une contrainte subie, qui a des conséquences à court terme, mais aussi à plus long terme sur le montant de la retraite.
Pour ces raisons, 60% des hospitaliers ont renoncé au congé parentalité, contre 34% des actifs français. Leurs horaires atypiques et contraignants restent aussi des freins. « 35% des professionnels de santé pensent que leur métier n’est pas compatible avec le fait d’être parent et 35% des parents exerçant une profession de santé estiment qu’être parent a représenté un frein dans leur carrière » rappelle Isabelle Jean, sage-femme coordinatrice du pôle mère-enfant au CH de Niort et administratrice de la MNH. Ces chiffres du Baromètre MNH-Odoxa montrent combien le sentiment de culpabilité complique leur désir d’enfant et leur parentalité. Un sentiment qui commence dès les études : stages invalidés, interrompus… « Nous travaillons avec les doyens d’universités et la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) pour faire évoluer la réglementation », assure Guillaume Bailly, président de l’intersyndicale nationale des internes (ISNI). L’annonce d’une grossesse est aussi souvent retardée par crainte de la réaction du manager et des répercussions sur l’organisation et la charge de travail des équipes.
L’accompagnement à l’hôpital
Les DRH ont investi ce sujet depuis de nombreuses années : alors que seulement 26 % des femmes Françaises ayant eu un ou plusieurs enfants ont bénéficié d’un aménagement du travail, ce chiffre monte à 55 % pour les professionnelles de santé.
Pour autant il faut aller plus loin. Par exemple, la garde d’enfant reste une préoccupation majeure. Près de 55% des professionnels de santé ayant eu des difficultés pour faire garder leur enfant ont ainsi envisagé de quitter leur emploi ou d’en changer. « Ce désir de parentalité ne doit pas être une rupture dans la carrière », prévient Béatrice Cochener-Lamard, doyenne de la Faculté de médecine de Brest. « À l’hôpital de montrer qu’il est possible d’aménager son projet de vie en le combinant avec sa vie professionnelle. » Or des aménagements et des accompagnements spécifiques existent, mais ils sont encore trop peu connus. Certains établissements ont investi de longue date dans des crèches. « Il faut aussi miser sur des plages horaires plus élargies pour les collaborateurs travaillant sur 12 h », avise Mathieu Girier, directeur RH au CHU de Bordeaux, reconnaissant que les services à la petite enfance sont un outil d’attractivité et de fidélisation pour l’hôpital, sans oublier la parité car les pères peuvent aussi se voir garantir des places en crèches. « Mais ces places restent encore trop peu accessibles pour les médecins, surtout en province, » regrette Béatrice Cochener-Lamard. Isabelle Jean rappelle que « 42% des hospitaliers attendent d'être accompagnés par leur établissement dans leurs projets parentaux. » Certains établissements l’ont bien compris pour fidéliser leurs professionnels. Le CH de Niort a, par exemple, mis en place des salles d’allaitement aménagée où les soignantes peuvent être accompagnées. La MNH va aller à la rencontre de plusieurs établissements de santé partout en France pour recenser les bonnes pratiques et leur donner de la visibilité.
S’adapter à une évolution sociétale
Cette table ronde a aussi permis de rappeler que l’hôpital doit s’adapter à une évolution sociétale. « Certains professionnels souhaitent avoir un exercice mixte avec des activités à l’hôpital et en libéral, tout en privilégiant du temps pour des activités personnelles ; d’autres ne souhaitent pas rester dans la même unité plus de deux ou trois ans, reconnait Mathieu Girier. À l’hôpital de tenir compte de cet aspect protéiforme de l’organisation. » D’où le besoin « d’accompagner cette révolution culturelle », selon Béatrice Cochener-Lamard. Il en va du bien-être des soignants et des patients « parce qu’un parent heureux, c’est aussi un soignant qui soigne bien », conclut Isabelle Jean.
En savoir plus sur la parentalité à l’hôpital
Olivier Donnars